Le compte-épargne temps: comment économiser son temps en travaillant ?


Posté le 26 juin 2019 dans Publications

 

Depuis le vote de la loi du 12 avril 2019 portant introduction d’un compte épargne-temps, les salariés du secteur privé peuvent bénéficier du régime du « compte-épargne temps » (CET).

 

Cette loi n’offre toutefois qu’un cadre général qui se devra encore d’être mis en œuvre par la négociation d’une convention collective de travail ou d’un accord interprofessionnel.

 

Voici les grandes lignes de ce régime du CET pour mieux le comprendre et l’utiliser à bon escient.

 

Accès au compte-épargne temps

 

La loi-cadre prévoit que tous les salariés peuvent avoir accès au CET s’ils présentent une ancienneté de deux ans dans l’entreprise et qu’ils en font une demande écrite.

 

Les partenaires sociaux, par le biais d’une convention collective ou d’un accord professionnel pourront encore préciser ce champ d’application, sans toutefois pouvoir le restreindre.

 

L’objet du compte-épargne temps : économiser du temps et non de l’argent

 

Contrairement au régime juridique de droit français en cette matière, le CET luxembourgeois n’a pour unique finalité que l’épargne de temps et non pas l’épargne monétaire.

 

En effet, le projet de loi définissait à l’origine le CET comme le « compte qui permet au salarié, à sa demande, d’accumuler des droits à congé rémunéré ».

 

Bien que cette définition n’ait pas été reprise dans la version actuellement en vigueur de la loi, il ne fait aucun doute que le CET ne peut servir qu’à économiser du temps et non de l’argent.

 

Plus concrètement, le système du compte-épargne temps fût pensé par le législateur luxembourgeois pour permettre aux salariés de s’organiser des périodes de congés plus longues que d’ordinaire, à temps complet ou à temps partiel, afin d’accomplir un projet personnel (par exemple, le suivi d’un projet immobilier, un tour du monde, l’éducation des enfants) ou de suivre des formations professionnelles, sans être obligé de recourir à des congés sans solde et sans épuiser l’entièreté des congés légaux d’un seul coup.

 

Durant l’occupation d’un salarié auprès du même employeur, la loi n’offre aucune possibilité de demander la conversation du temps épargné en indemnités ou en heures supplémentaires.

 

Il convient tout de même de préciser que la loi prévoit expressément qu’aucun salarié ne peut être obligé d’alimenter le CET contre sa volonté.

 

Ainsi, le salarié pourra toujours préférer se faire rémunérer ses heures supplémentaires mensuellement moyennant la majoration légale de 40 % au lieu de les enregistrer sur son compte épargne en vue d’accumuler du temps.

 

Si au contraire, le salarié décide d’approvisionner son CET, ce n’est qu’en cas de rupture de la relation de travail que la liquidation du compte pourra se faire par le paiement d’une indemnité compensatoire correspondant à la conversion monétaire du temps accumulé par le salarié en le multipliant par le taux horaire en vigueur au moment de la liquidation.

 

On peut alors se demander si les dispositions légales relatives au CET permettent réellement de remplir la finalité ultime de la loi, à savoir l’épargne suffisante de temps pour l’accomplissement de projets personnels ou professionnels.

 

Les modes d’approvisionnement du CET sont-ils suffisants pour aboutir à une épargne de temps suffisamment longue ?
La loi liste limitativement le type d’heures prestées ou considérées comme telles pouvant être épargnées.

 

Il s’agit :

 

–          Des jours de congé compensatoires des jours fériés tombant un dimanche ;

 

–          Des heures supplémentaires prestées à la demande de l’employeur ou avec son autorisation.

 

A cet égard, il convient de préciser que l’épargne des heures supplémentaires n’a pas pour effet la perte de la majoration légale pour heures supplémentaires, puisque la loi prévoit qu’une heure supplémentaire travaillée est mise en compte dans l’épargne à concurrence d’une heure et demie ;

 

–          Des repos compensatoires en cas de travail du dimanche ;

 

–          Les jours de congé supplémentaires au-delà des 26 jours légaux dans la mesure où ils n’ont pas encore été pris dans l’année en cours ;

 

–          En ce qui concerne les jours de congés légaux, seul un maximum de 5 jours sur les 26 jours peut être épargné et seulement si ces jours de congé n’ont pas pu être pris dans l’année en cours pour des raisons de maladie, de maternité ou de congé parental.

 

L’avantage de placer sur le CET de tels jours de congés est que le salarié pourra en profiter au-delà du 31 mars de l’année qui suit (article L. 235-4 du Code du travail). En effet et pour rappel, le principe légal est que les jours de congés légaux non pris durant l’année en cours pour les raisons susmentionnées ne pourront plus être pris au-delà du 31 mars de l’année qui suit et seront définitivement perdus à cette date (article L. 233-10 du Code du travail).

 

Finalement, il convient encore de préciser que l’épargne maximale pouvant figurer sur le compte est de 1.800 heures, soit 45 semaines de 40 heures, soit environ 1 an.

 

Nous pouvons en déduire que le CET pourrait permettre de se réserver un temps confortable pour l’accomplissement de ses projets personnels ou professionnels.

 

Toutefois, après un rapide calcul et au regard des modes d’approvisionnement du compte, nous ne pouvons que faire le constat que l’épargne du temps sera lente et laborieuse et se fera au compte-goutte pendant de nombreux mois avant d’obtenir une épargne conséquente.

 

 

L’épargne du temps est-elle perdue en cas de changement d‘employeur ?

 

La loi ne prévoit pas explicitement le transfert du CET constitué par le salarié chez son ex-employeur vers son nouvel employeur.

 

 

Le projet de loi, quant à lui, prévoyait que « le transfert des droits acquis d’un employeur à l’autre est possible car le législateur conçoit le compte épargne-temps comme un outil à disposition du salarié tout au long de sa carrière professionnelle ».

 

La volonté initiale du législateur était donc bien celle de permettre un transfert du CET d’un employeur vers un autre.

 

L’inverse aurait d‘ailleurs été bien malvenu compte tenu de la finalité de la loi qui est la possibilité d’économiser du temps en suffisance.

 

Si partant, l’épargne devait être perdue puis reconstituée à chaque changement d’employeur, la finalité de la loi serait considérablement remise en question.

 

Il y a partant fort à parier que les conventions collectives ou accords sectoriels mettant en œuvre la loi-cadre sur le CET prévoiront des modalités de transfert de ce compte en cas de changement d’employeur.

 

On relève toutefois un obstacle qui réside dans le droit d’accès au CET puisque la loi prévoit que seuls les salariés présentant une ancienneté supérieure à deux ans dans la même entreprise ont accès au compte-épargne.

 

La pratique révèlera comment les partenaires sociaux parviendront à combiner dispositions légales et volonté législative afin de mettre en œuvre ce régime du CET de manière efficace et favorable pour les salariés.

 

 

En conclusion, nous ne pouvons que saluer l’initiative législative de l’encadrement du régime du compte-épargne temps.

 

En effet, dès avant son encadrement, le régime du CET était déjà fortement utilisé[1]. Un encadrement législatif était donc le bienvenu.

 

Toutefois, il faut malheureusement faire le constat que la loi présente encore certaines lacunes auxquelles il sera, nous l’espérons, remédié par le biais des négociations des partenaires sociaux.

 

 

Me Pascal PEUVREL                                                                    Me Estelle BURET

Avocat à la Cour                                                                               Avocat

 

pascal.peuvrel@jurislux.eu



[1] En 2012, on relevait une utilisation du CET par 17% des salariés du secteur des activités financières, immobilières et d’assurances, 15 % des salariés du secteur de l’industrie, 12 % des salariés du secteur des transports. Cf. https://www.legitech.lu/newsroom/articles/compte-epargne-temps-pour-epargner-du-temps-faut-il-en-perdre-beaucoup/

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