Le compte-épargne temps (CET)


Posté le 5 mars 2013 dans Publications

En Allemagne, le concept de CET s’est développé initialement par voie de conventions conclues au niveau des entreprises (Zeitwertkonten), pour se propager dans les années 1990 à l’ensemble du secteur privé ainsi qu’au secteur public.

Afin d’instituer un cadre légal à cette pratique en pleine expansion, deux lois du 6 avril 1998 et du 1er janvier 2009 ont été votées.

En France, la notion de CET dans le secteur privé est issue d’une loi du 25 juillet 1994.

Outre le fait qu’elle envisage le CET comme un moyen pour les salariés de rémunérer un congé lié à un besoin personnel, il s’agit également d’un moyen de constituer une épargne monétaire.

Au Luxembourg, si l’intention de mettre en place un arsenal législatif encadrant la notion de CET est apparue à plusieurs reprises, (cf. déclaration gouvernementale du 12 août 1999), aucune loi n’a encore été adoptée en ce sens.

L’article L-211-27 alinéa 2 du Code du travail envisage néanmoins la possibilité pour un salarié de comptabiliser les heures supplémentaires prestées sur un compte-épargne temps dont les modalités auront été fixées par convention ou accord collectif.

Un projet de loi portant introduction d’un compte épargne-temps pour les salariés de droit privé modifiant le Code du Travail, le Code de la Sécurité Sociale, la loi de 1967 concernant l’impôt sur le revenu et la loi du 11 novembre 1970 sur les cessions et saisies sur rémunérations a cependant été déposé en date du 23 décembre 2010.

La loi n’a pas encore été votée, car si la Chambre de Commerce, la Chambre des Métiers, et la Chambre des Salariés sont favorables à l’institution d’un cadre légal au CET, plusieurs dispositions du projet de loi sont vivement critiquées et font l’objet de discussions.

Cependant, malgré le fait qu’aucune loi ne fixe les modalités d’application du CET, certaines entreprises ont déjà mis en place ce système par le biais de convention collective, accord d’entreprise, ou simple décision de l’employeur, raison pour laquelle l’établissement d’un cadre législatif apparaît nécessaire.

A l’heure actuelle, le CET n’est en effet soumis à aucune règle stricte et que ses modalités peuvent être définies de façon très libre par les partenaires sociaux ou l’employeur seul.

Dans ce contexte, il est intéressant d’étudier le projet de loi déposé en date du 23 décembre 2010 afin de voir comment le législateur a appréhendé le compte-épargne temps, tout en gardant bien à l’esprit que certaines dispositions du projet seront probablement modifiées en vue de son adoption.

Tout d’abord, il ressort du projet de loi que l’objet du CET est le suivant :

« Permettre au salarié d’économiser sur son compte, notamment, des droits de congés rémunérés pour des motifs privés ou de formation professionnelle. »

Ainsi, le projet envisage d’insérer l’article L-235-1 et suivants dans le Code du travail afin de déterminer les modalités d’application du CET.

Selon l’article L-235-1 du Code du travail modifié, le CET se définirait de la façon suivante :

« Le compte qui permet au salarié, à sa demande, d’accumuler des droits à congé rémunéré en contrepartie de périodes de congés non prises, de périodes de repos non prises ou d’une partie de sa rémunération. »

Concernant le champ d’application du dispositif, il serait établi par convention collective ou règlement interne de l’employeur dûment avisé par la délégation du personnel conformément à l’article L-414-1 du Code du Travail, au grand mécontentement de la Chambre des salariés qui voit dans la deuxième forme de mise en place du CET un mépris du dialogue social, puisque l’employeur pourrait fixer seul ses modalités d’application.

En outre, la convention ou le règlement interne établissant le CET devraient, selon les dispositions du projet de loi, encadrer strictement le CET en prévoyant des dispositions impératives, comme par exemple, les bénéficiaires du CET, les moyens d’alimentation du compte, les modalités de gestion du compte, etc…

Par ailleurs, le CET n’est pas d’application générale, puisque certains salariés comme les intérimaires, les salariés en CDD ou en période d’essai, les jeunes salariés au sens de l’article L-341-1 du Code du travail, les employés faisant l’objet d’un prêt de main d’œuvre et ceux en apprentissage seraient exclus.

En revanche, les cadre supérieurs ne seraient pas exclus d’office du CET, mais se verraient privés de certaines formes d’alimentation du CET, comme les heures supplémentaires par exemple, dans la mesure où ils ne sont pas soumis à la même réglementation sur le travail (cf. article L-162-8 du Code du travail).

En ce qui concerne la gestion du CET, le projet de loi prévoit que les montants épargnés par le salarié soient consignés auprès d’un organisme tiers, comme une compagnie d’assurance par exemple. (cf. nouvel article L-235-4 du Code du travail prévu par le projet de loi)

Par contre, si le CET résulte d’une convention collective, et que la gestion du CET est confiée à l’employeur, alors il faudra prévoir un dispositif d’assurance ou de garantie afin de couvrir les droits acquis des salariés en cas de faillite de l’employeur.

En outre, si l’employeur n’a pas consigné les fonds, respectivement, mis en place le dispositif d’assurance ou de garantie prévu dans la convention, le salarié pourra demander la liquidation immédiate de ses droits par un paiement unique.

Le projet prévoit également une information annuelle minimum du salarié sur son compte et son évolution, ce que la Chambre des Salariés trouve largement insuffisant.

Concernant l’alimentation du compte, le projet prévoit les dispositions suivantes :

  1. La partie du congé annuel payé excédant 20 jours lorsqu’il n’a pas été pris durant l’année de calendrier ainsi que les jours de repos supplémentaires (la Chambre des Salariés s’y oppose, au motif qu’une telle façon de procéder constituerait une violation des dispositions légales en vigueur relatives à la protection de la santé des salariés, et la porte ouverte à une dégradation supplémentaire des conditions de travail actuelles) ; à titre d’exemple, le salarié ayant cumulé 30 jours de congés sur l’année pourrait donc en transférer 10 sur son compte-épargne temps si le projet de loi était adopté tel quel ;
  2. La partie de salaire excédant le salaire social minimum tel que défini aux articles L-222-2 et suivants convertie en temps de repos à la demande du salarié sans que cette partie ne puisse dépasser 10 % du salaire annuel (toutes les chambres s’opposent vigoureusement à cette disposition relative à l’alimentation du compte, mettant l’accent sur le fait que l’intérêt du CET est d’accumuler uniquement du temps) ;
  3. Conformément à l’article L-211-27 du Code du travail, les heures supplémentaires effectuées par le salarié et compensées par du temps de repos à raison d’une heure majorée d’une demi-heure de temps libre rémunéré par heure supplémentaire travaillée ;
  4. Les suppléments de salaire pour travail de dimanche convertis en temps de repos ainsi que le repos compensatoire tels qu’ils sont prévus à l’article L-231-7 du Code du travail ;
  5. La rémunération des heures effectivement prestées ainsi que les suppléments de salaire pour travail lors d’un jour férié légal tels que prévus à l’article L-232-7 convertis en temps de repos ;
  6. Les suppléments de salaire pour travail de nuit tels que prévus dans la convention collective et convertis en temps de repos.

En ce qui concerne l’utilisation des droits acquis sur le CET, le projet de loi prévoit qu’elle se fasse pour indemniser un congé qui sera fixé selon les désirs du salarié, sauf si les besoins du service ou les désirs justifiés d’autres salariés s’y opposent.

Par contre, si le contenu du CET est versé sous forme d’indemnité, elle correspondra aux dispositions de l’article L-233-4 du Code du travail qui fixe le montant de l’indemnité journalière en cas de congé de récréation.

A noter que le temps de travail cumulé sur le CET correspond à du temps de travail effectif (cf. article L-235-8 du projet de loi).

Quant à la question de la liquidation du CET, le projet de loi envisage plusieurs possibilités (cf. article L-235-9 du Code du travail) :

  1. En cas de cessation du contrat de travail le jour de l’octroi d’une pension de vieillesse ou au plus tard à l’âge de 65 ans conformément à l’article L-125-3 ;
  2. En cas de cessation du contrat de travail conformément à l’article L-125-4 ;
  3. En cas de cessation du contrat de travail à l’initiative de l’une des parties ou d’un commun accord, sous réserve que le salarié ne puisse bénéficier des dispositions de l’article L-235-10 lui permettant de transférer auprès d’un autre  employeur les droits acquis sur son CET (la Chambre du Commerce et la Chambre des Métiers s’opposent au principe de portabilité du CET en dehors du cadre du transfert d’entreprise, d’une cession ou d’une fusion, dans la mesure où elles trouvent anormal que le nouvel employeur soit tenu aux avantages sociaux et au droit aux congés nés avant l’arrivée du salarié dans l’entreprise.)Il résulte cependant des termes du projet tel que défini à l’heure actuelle que les jours de congés accumulés par un salarié en cas de licenciement pourraient être transférés au nouvel employeur ;
  4. En cas de décès du salarié ;
  5. Sur demande du salarié, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L-235-4.

Matériellement, le projet de loi prévoit deux hypothèses en cas de transfert des droits acquis sur le CET à un nouvel employeur :

  1. Soit les droits du salarié étaient consignés à un organisme tiers qui les conserve après le changement d’employeur ;
  2. Soit, d’un commun accord avec le nouvel employeur, faire transférer les droits sur le compte de l’organisme tiers du nouvel employeur ;
  3. Soit, si les droits sont gérés par l’employeur, transfert sur le compte de l’employeur à condition qu’il soit d’accord, sinon liquidation des droits en capital.

Par ailleurs, les droits accumulés sur le compte constituent un salaire soumis à l’impôt et cotisations en matière de sécurité sociale, assurance maladie, assurance pension, accident et dépendance.

Enfin, d’après le projet de loi, l’employeur est toujours responsable du paiement des droits accumulés sur le CET, même en cas de consignation auprès d’un organisme tiers.

Me Pascal PEUVREL – Me Natacha STELLA

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