Le reclassement professionnel : évolution jurisprudentielle récente


Posté le 12 mars 2020 dans Publications

Photo : Illustration/Pixabay

Pour rappel, on parle de reclassement lorsque le salarié est devenu incapable d’occuper son dernier poste (santé, infirmité etc…) de travail. Toutefois, ce dernier reste capable d’occuper d’autres postes. Le salarié va alors pouvoir bénéficier d’une mesure de reclassement avec l’aide de la Commission mixte de reclassement et du médecin du travail. 

  • Objectif du reclassement : Le reclassement interne c’est-à-dire au sein même de l’entreprise, a pour principal objectif de faciliter la réinsertion professionnelle du salarié au sein de l’entreprise, après une période d’incapacité de travail.
  • Le reclassement professionnel externe quant à lui consiste en un reclassement professionnel sur le marché du travail.
  • Qui est concerné par ce reclassement ? : Toute personne en relation de travail ininterrompue avec l’employeur auprès duquel le reclassement a été décidé.

Les frontaliers sont assimilés aux salariés résidents dans le cadre de la procédure de reclassement professionnel

La procédure de reclassement est initiée par le médecin du contrôle médical de la sécurité sociale qui saisit en même temps le médecin du travail et la Commission mixte.

  1. Reclassement sur un poste identique : une décision libre de l’employeur

En ce qui concerne l’actualité, la Cour d’Appel en date du 28 février 2019 a décidé qu’une décision positive de la Commission mixte de reclassement déclarant le salarié capable de reprendre le travail n’est toutefois pas synonyme d’un reclassement sur un poste identique.

En effet, la Cour d’Appel nous informe que l’employeur doit proposer un poste de reclassement aussi comparable que possible au précédent. Toutefois, il peut néanmoins proposer un nouveau poste de travail qui entraîne une modification du contrat de travail : modification d’horaires, diminution de salaire.

En l’espèce, le salarié restait en défaut de prouver que le refus de son employeur de le réintégrer dans les conditions de travail prévues par le contrat de travail constituait une modification substantielle du contrat de travail.

Qu’il résulte en effet d’aucune disposition légale que l’employeur est tenu de reclasser le salarié exactement sur le même poste qu’il occupé antérieurement.

(cf. Cour d’Appel du 28 février 2019, n°CAL-2018-01089 du rôle)

  1.  Salarié reclassé = Salarié protégé

Pour rappel, le salarié bénéficie d’une protection lorsqu’il est sous le coup d’une de procédure de reclassement professionnel.

En effet, pendant la période se situant entre le jour de la saisine de la Commission mixte par le Contrôle médical de la sécurité sociale et le jour de la notification de la décision de la Commission mixte, l’employeur n’est pas autorisé à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail. (Article L. 551-2(2) du Code du Travail)

Enfin, si une décision de reclassement interne intervient, une nouvelle période de protection contre le licenciement de 12 mois commence. Cette dernière cours à partir du jour de la notification de l’employeur de la décision de l’obligation de procéder au reclassement interne. (Article L. 551-2(2) du Code du Travail)

Cependant, l’employeur pourra licencier le salarié pour faute grave pendant cette période conformément à la procédure de l’article L. 124-10 du Code du Travail.

Le salarié doit participer aux réunions fixées par l’employeur pour trouver un poste correspondant à ses capacités de travail, sauf une nouvelle fois si le salarié produit des excuses valables et justifiées.

(cf. : Arrêt de la Cour d’Appel du 21 décembre 2017, n° 44383 du rôle)

Nota bene :

En cas de licenciement pendant cette période dite de protection, ce dernier dispose de 15 jours pour faire constater la nullité du licenciement et demander sa réintégration ou son maintien au sein de l’entreprise. (La demande doit être introduite devant le tribunal du travail).

Si le contrat de travail d’un salarié a pris fin à la suite d’un licenciement collectif, ou d’une cessation des activités de l’employeur, le salarié peut alors demander un reclassement externe (sur le marché du travail). Il dispose alors d’un délai de 20 jours ouvrables pour en faire la demande par lettre recommandée à la Commission mixte. (Article L.551-1 du Code du Travail)

  1. Absence justifiée du salarié

En 2019, la Cour de Cassation de Luxembourg confirme que les absences reprochées envers le salarié en situation de reclassement interne sont justifiées lorsque l’employeur reste en défaut de proposer au salarié un poste de travail adapté à sa capacité de travail.

L’employeur n’a alors pas le droit d’analyser cette situation comme un manquement de la part du salarié quant à son obligation d’en avertir personnellement son employeur ou le représentant de celui-ci. (cf. Code du travail, article L.121-6 (1) et (2))

L’employeur n’a également pas le droit d’y voir un quelconque manquement au devoir du salarié quant à son obligation de soumettre le 3ème jour au plus tard, un certificat médical attestant de son incapacité de travail et sa durée prévisible. (cf. Code du travail, article L.121-6 (1) et (2))

(cf. Cour de Cassation du 20 juin 2019, n°1062019 du rôle)

Enfin, il est important de faire un léger retour sur les avancées majeures de la loi du 23 juillet 2015 en matière de reclassement interne et externe.  Cette dernière ayant permis une protection renforcée du salarié.

Pour exemple, la saisine du médecin du travail a vocation à intervenir de manière plus précoce que par le passé.

En effet, selon le nouvel article L-552-2 (1) du Code du travail, lorsque le contrôle médical de la sécurité sociale estime qu’une personne est susceptible de présenter une inaptitude à son dernier poste de travail, il saisit la commission mixte de reclassement et le médecin du travail en même temps, alors qu’avant, seule la commission mixte était saisie.

Il lui appartenait ensuite de saisir le médecin du travail compétent, ce qui rendait la procédure un peu plus longue.

Par le biais de cette modification législative, le médecin du travail est donc en mesure de rendre un avis beaucoup plus rapidement que par le passé.

De surcroît, le nouvel article L-552-2 (2) du Code du travail prévoit que le médecin du travail doit délivrer son avis à la commission mixte dans un délai de 3 semaines suivant sa saisine, que le salarié soit capable ou non d’exercer son dernier poste de travail.

La loi du 23 juillet 2015 introduit également une voie d’accès parallèle concernant la saisine de la Commission mixte par le médecin du travail, en cas d’inaptitude d’un salarié affecté à un poste à risques.

La Loi prévoit que si le médecin du travail constate l’inaptitude d’un salarié ayant 10 ans d’ancienneté au moins à exercer les tâches correspondant à son dernier poste, ce dernier étant un poste à risques, et que l’employeur occupe au moins 25 salariés, la Commission mixte devra être saisie par le médecin du travail et l’employeur devra obligatoirement procéder au reclassement interne du salarié.

Si l’employeur occupe moins de 25 salariés, cette obligation de reclassement devient facultative,  la loi prévoit en effet dans cette deuxième hypothèse, que le médecin du travail compétent, « peut » saisir la Commission mixte, en accord avec le salarié et l’employeur.

Le salarié qui occupe son dernier poste depuis moins de 3 ans doit toutefois, pour bénéficier d’un reclassement professionnel interne, être en possession d’un certificat d’aptitude à ce poste de travail établi par le médecin du travail compétent lors de l’embauche à ce dernier poste  (article L. 551-1du Code du Travail).

La Cour de Cassation a affirmée en 2018 que la condition d’ancienneté de 3 ans était remplie lorsque le salarié avait travaillé de manière continue au même poste de travail mais pour des employeurs successifs. En l’espèce, le salarié avait travaillé pour des sociétés distinctes relevant de législations différentes, mais avec à chaque fois une dénomination sociale identique, et par conséquent avec prise en compte, en termes d’ancienneté de service, du travail accompli.

Par cet arrêt, la Cour de Cassation Luxembourgeoise apporte une décision plus protectrice vis-à-vis de l’ancienneté du salarié. Ce dernier pourra donc plus facilement bénéficier des règles propres au reclassement professionnel. 

(Cour de Cassation du 10 juillet 2018, n°80/2018 du rôle)  

                                                                                              Hellenbrand Romain


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