L’insanité d’esprit : Casus Belli des successions et réticence des tribunaux luxembourgeois


Posté le 8 juillet 2025 dans Publications

Un décès et l’ouverture d’une succession qui en découle sont régulièrement le théâtre de conflits familiaux plus ou moins intenses.

En effet, après la perte d’un membre de la famille vient le moment durant lequel ses biens doivent être partagés, c’est ce que l’on appelle la liquidation de la succession.

Dans ce cadre, alors que le principe directeur consiste à assurer une égalité stricte entre les héritiers de même rang, il n’est pas rare que se pose la question, outre celle d’un éventuel testament, des éventuelles donations ayant été consenties du vivant du défunt.

Légalement, l’article 901 du Code civil dispose que « Pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d’esprit. ».

Cette rigueur est justifiée par l’exigence constante d’un consentement libre et éclairé du donateur ou du testateur.

Cependant, cette notion de sanité d’esprit fait couler beaucoup d’encre alors qu’il n’existe pas à proprement parler de définition légale d’un tel état ce qui a pour conséquence d’engendrer pléthores de décisions de justice parfois contradictoires, parfois étriquées, entraînant par après de grandes difficultés de compréhension pour les justiciables.

Ainsi, les juges sont seuls maîtres afin de déterminer si une affection mentale est susceptible de priver le disposant de ses facultés mentales, altération devant être caractérisée, au moment de l’acte (donation ou rédaction d’un testament) sinon dans une période précédant et suivant la passation de l’acte.

Mais pour qu’une juridiction soit amenée à trancher cette question ô combien cruciale car à la clé l’acte litigieux peut être annulé, il est nécessaire que la partie qui prétend qu’un acte serait vicié pour cause d’insanité d’esprit le prouve.

C’est précisément ce point qui cristallise dans la grande majorité des dossiers l’attention des parties et des juges car de la caractérisation ou non de l’insanité d’esprit du disposant découle de nombreuses conséquences juridiques.

D’un point de vue empirique, il est plutôt aisé d’affirmer que la preuve d’un état d’insanité d’esprit est extrêmement difficile sinon impossible à démontrer.

Ainsi, les juridictions luxembourgeoises en 1ère instance mais également en appel ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur un cas d’espèce tout à fait parlant dans lequel une donation consentie à certains membres d’une fratrie était contestée par le membre exclu de la gratification.

Ce dernier qui contestait la donation au motif que la défunte était atteinte d’insanité d’esprit au moment de l’acte fût débouté à deux reprises de ses revendications.

Pourtant, le dossier était constitué de plusieurs certificats médicaux faisant état de termes tout à fait évocateurs à l’instar de « démence » ou encore d’une mention à l’absence de facultés de jugement intactes ou encore du fait que la personne concernée faisait des fugues.

Ce cas tout à fait évocateur permet de mesurer la difficulté à démontrer l’insanité d’esprit d’un défunt lors de la passation d’actes des années auparavant.

Afin d’éviter à tout prix les luttes fratricides lors de successions, tout individu serait avisé d’anticiper cela en prévoyant dans la mesure du possible et avant qu’une éventuelle affliction mentale vienne le frapper les donations et autres testaments en vue de régler sa future succession en amont.

Pour les proches, il est également fondamental de ne pas omettre les mesures de protection des majeurs tels que la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle qui constituent également des garde-fous aux situations litigieuses pouvant naître de donation ou de tardif intervenant à un âge avancé.

L’idéal enfin consiste à s’entourer de professionnels qui sauront accompagner au mieux les familles et ce avant que la situation ne se solde par un décès dont les conséquences n’auraient pas été anticipées.

Me Pascal PEUVREL                                                                     Me Quentin GAVILLET

Avocat à la Cour                                                                         Avocat

JURISLUX SARL                                                                  

pascal.peuvrel@jurislux.eu

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